En Grèce et ailleurs les femmes paient la crise au prix fort

2483

Double peine pour les femmes. Fragilisées et précarisées par la crise, elles sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers la prostitution. Et de plus en plus jeunes. C’est la conclusion d’une étude menée par l’Université Panteion d’Athènes et publiée le 27 novembre 2015.

Dès 2011, une étude britannique pointait les effets désastreux de la crise économique et des coupes budgétaires en Grèce. Augmentation des suicides, hausse de la consommation de drogue et des contaminations au VIH, développement de la prostitution[[Le Monde, « La crise, une tragédie pour la santé des Grecs », 10 octobre 2011.]] … Ce n’était qu’un début. Aujourd’hui, après six ans d’austérité, et au terme d’une étude menée pendant 3 ans, le professeur de sociologie de l’université d’Athènes Grigoris Lazios tire le signal d’alarme. Selon lui, de plus en plus de jeunes femmes en sont réduites à se prostituer pour un simple sandwich. Le prix des passes a chuté jusqu’à atteindre… 2 euros. Et fait nouveau, ces femmes prostituées, jadis majoritairement originaires de l’Est européen, sont aujourd’hui à 80 % grecques et de plus en plus jeunes, entre 17 et 20 ans. Tel est donc l’avenir que les politiques européennes réservent désormais aux jeunes femmes : la prostitution de survie.

Ce constat apparaît peu après qu’une affaire ait fait grand bruit dans le pays. En octobre, une mère de famille au chômage avait « vendu » sa fille de 12 ans à deux hommes. Traitée dans la presse de mère monstrueuse, elle a écopé d’une peine de 30 ans de prison et d’une amende de 100.000 euros.

Recevez nos derniers articles par e-mail !
Lettres d'information
Recevez nos derniers articles par e-mail !
S'abonner

Un pays « réglementariste » débordé par la situation

La Grèce, qui compterait selon les estimations 18 500 prostituées, réglemente en théorie la prostitution, obligeant les femmes à se faire enregistrer et contrôler au moyen d’une carte de santé. Mais comme ailleurs, elle se révèle incapable de le faire en pratique. Selon l’étude, moins de 1 000 d’entre elles seraient enregistrées, alors que leur nombre aurait bondi de 150 % rien qu’au cours des deux dernières années. Quant au permis exigé des tenanciers de bordels, il est évidemment illusoire : une dizaine seraient en possession d’une licence sur 525 répertoriés à travers le pays.

Si le cas grec a été mis à jour du fait de l’étude menée à Athènes, on peut parier que la réalité n’est guère différente dans de nombreux pays d’Europe. Notre propre connaissance du terrain nous laisse penser qu’en France, la proportion de jeunes françaises touchée par la prostitution de survie monte en flèche, masquée derrière les estimations officielles voulant que les personnes concernées soient à 80 à 90 % étrangères…

Article précédentSoirée-débat autour de courts métrages à Martigues
Article suivantA Laval, 190 collégienNEs sensibilisés à l’égalité femmes-hommes
Claudine Legardinier
Journaliste indépendante, ancienne membre de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes, elle recueille depuis des années des témoignages de personnes prostituées. Elle a publié plusieurs livres, notamment Prostitution, une guerre contre les femmes (Syllepse, 2015) et en collaboration avec le sociologue Saïd Bouamama, Les clients de la prostitution, l’enquête (Presses de la Renaissance, 2006). Autrice de nombreux articles, elle a collaboré au Dictionnaire Critique du Féminisme et au Livre noir de la condition des femmes.