Pays-Bas : panique au pays de la tolérance

1958

Les Pays Bas n’en finissent plus de chercher des solutions face à  l’explosion de la prostitution et de la criminalité qui va avec. Après les déclarations de la maire écologiste d’Amsterdam, qui a parlé d’un « monstre multiforme » et a même osé évoquer la fermeture pure et simple des vitrines, voilà  que le ministère de la justice impose des licences légales à  tous les acteurs du « commerce du sexe ». Un aveu d’échec cinglant pour la loi de libéralisation en œuvre depuis 2000.

Le projet de loi du ministère de la justice vise tous les acteurs du système qui devront avoir une licence légale : les loueurs de vitrines, propriétaires de bordels et autres « prestataires de services actifs dans les circuits du sexe », autrement dit les proxénètes que la loi de 2000 avait promus au rang de chefs d’entreprise bien sous tous rapports. Toute personne exerçant dans le secteur de la prostitution sans une telle licence sera en infraction, et il en sera de même pour les clients de la prostitution illégale.

Mais le projet concerne aussi les personnes prostituées elles-mêmes. Le « permis de prostitution » ne sera délivré qu’à  celles qui seront âgées de plus de 21 ans, après un entretien avec l’administration. Ces personnes devront affirmer qu’elles sont consentantes et qu’elles disposent de moyens matériels suffisants pour assurer leur sécurité. Le texte ajoute qu’elles devront connaître les risques du« métier » et les moyens de recourir à  des soins de santé si nécessaire. Il sera en outre exigé qu’elles disposent d’un téléphone sur elles pour pouvoir appeler d’éventuels secours. Par ailleurs, chacune devra « être en mesure de régler elle-même les problèmes et d’indiquer clairement aux clients ou aux exploitants, par exemple, ce qu’elle veut ou ne veut pas faire ».

Annonce

Des femmes face à  des risques majeurs

Faut-il traduire ? La réglementation néerlandaise, érigée en modèle, a livré pieds et poings liés les femmes prostituées à  tous les desiderata de leurs exploiteurs, qu’ils soient proxénètes ou « clients ». Qui peut sérieusement croire qu’elles ont leur mot à  dire, nues et dans le besoin face à  tous ces hommes habillés et nantis du pouvoir de l’argent ? Quant à  l’entretien « d’embauche », il laisse sans voix. Tant de précautions sont l’aveu d’un fait particulièrement têtu. Ce « métier » place les femmes face à  des risques majeurs : pour leur santé d’abord, pour les violences qu’elles auront manifestement à  subir ensuite. Posons la question. Quel autre « métier » oserait défendre ladite administration, qui nécessiterait un téléphone pour appeler au secours ? Quels arguments avancerait cette même administration pour justifier des risques aussi graves ? Oserait-elle les comparer à  ceux que prennent des pompiers, qui, eux, sauvent des vies ?

Il est clair que le pays veut donner un sérieux tour de vis. Mesure draconienne, seul un nombre restreint de municipalités pourront délivrer ces permis. Le ministère de la Justice entendrait ainsi protéger les prostituées contre les souteneurs et lutter contre la prostitution forcée et celle des mineurs. Doit on comprendre que la loi de 2000 libéralisant le « commerce » proxénète, alors vantée à  longueur de colonnes dans la presse (y compris la nôtre), n’a eu pour effet que de laisser les souteneurs à  leur poste ? Et que la fameuse prostitution libre reste souvent forcée au final ? Aucun doute là  dessus. Trafics de drogue, blanchiment d’argent sale, traite des êtres humains, vingt ans après, tout y est.

Mais après avoir tellement vanté la libéralisation du proxénétisme et de la prostitution, il est à  craindre qu’il soit déjà  trop tard. Dans un pays qui a surfé sur la culture prostitutionnelle pour remplir les caisses et qui n’envisage pas une seconde de s’attaquer au « droit » masculin de contraindre sexuellement des femmes ou d’autres hommes au moyen d’un billet, cette répression subite n’aura sans doute pour effet que de pousser les personnes prostituées dans la clandestinité et donc de les abandonner plus que jamais à  leur sort. Les bordels illégaux sont déjà  plus nombreux que les bordels légaux. On est en droit de penser que ce n’est pas fini.