Anarchisme, féminisme contre le système prostitutionnel

2625

Une réflexion vivifiante, tournée vers l’action, apportée par des militant-e-s de la Fédération anarchiste.

À l’orée de l’ouvrage, les auteures placent leur travail dans la continuité de leurs conceptions politiques : Nous espérons que nos propos (…) rendront le patriarcat – et le système prostitutionnel – plus compréhensible et surtout plus insupportable, (…) qu’ils contribueront (…) à l’élaboration de la société sans domination à laquelle aspirent toutes et tous les anarchistes. (…) Comment pourrions nous concevoir que cette société maintienne le système prostitutionnel?

Recevez nos derniers articles par e-mail !
Lettres d'information
Recevez nos derniers articles par e-mail !
S'abonner

Servi par une copieuse bibliographie et s’appuyant sur de nombreuses références (témoignages de personnes prostituées, essais et analyses de diverses disciplines), l’ouvrage propose un bref état des savoirs sur le système prostitutionnel, les législations appliquées dans plusieurs pays, les prostitueurs et la construction d’une masculinité centrée sur l’appropriation du corps des femmes.

Mais Anarchisme, féminisme, contre le système prostitutionnel a surtout le grand mérite d’analyser les mythes conçus pour renforcer et maintenir le système prostitutionnel. Du plus vieux métier du monde aux plus modernes, tels que la prostitution n’est qu’un échange commercial, un travail comme un autre, les auteures passent en revue les différentes trouvailles promotionnelles des défenseurs du système prostitutionnel. On trouve ainsi dans l’ouvrage d’utiles arguments, qui alimentent les questions du travail, de la liberté, de la subversion, du sens du consentement au coeur des rapports de domination…

Dans le cadre de Prostitution et Société 164. Numéro 164 / janvier – mars 2009, numéro exceptionnel visant à rassembler les voix abolitionnistes de tous bords, Hélène Hernandez et Élisabeth Claude nous avait accordé cette contribution que nous reproduisons ci-dessous[[Des contraintes de place dans notre numéro papier nous avaient hélas empêchés de la publier en intégralité.]].

Commission Femmes de la Fédération Anarchiste

Elisabeth Claude et Hélène Hernandez

La Fédération Anarchiste refuse le système prostitutionnel en tant que système de domination, en tant qu’obstacle à l’émancipation des femmes et des hommes.

D’autres courants anarchistes peuvent se laisser berner par les discours de justification de la prostitution au nom de la liberté individuelle alors que nous tenons à considérer le système prostitutionnel dans son ensemble et donc à sortir de la question de la seule personne prostituée avec tous les clichés qui l’entourent. C’est le système qui nous intéresse, système pour lequel nous sommes tous et toutes des proies. Tout le monde est concerné. Nous ne voulons devenir ni les produits, ni les clients.

Historiquement, la question n’a pas été abordée par l’ensemble du mouvement anarchiste mais par quelques personnalités, notamment Louise Michel, qui a exprimé sa solidarité avec les femmes prostituées qu’elle a rencontrées en prison et Emma Goldman aux Etats-Unis, qui a laissé des écrits abolitionnistes.

Les débats qui traversent la société traversent aussi les mouvements libertaires et anarcho-syndicalistes ; et les préjugés sociaux sont les mêmes. Nous aussi femmes anarchistes nous heurtons à ce que l’on pourrait appeler la frontière du genre. Il y a des débats houleux sur les questions qui concernent les femmes… On ne sort pas de la scission entre ceux qui refusent le système prostitutionnel et ceux qui le justifient sous le prétexte de la liberté ou des «besoins» des messieurs. Un exemple : en 1936, du temps de la République Espagnole, des militants républicains avaient des réductions auprès des femmes prostituées pendant que les « Mujeres libres » affirmaient des positions de solidarité avec les prostituées et refusaient de faire de la prostitution un métier.

On ne peut certes pas contester le consentement d’une personne, comme l’explique très bien la philosophe Geneviève Fraisse, mais la question est collective et non purement individuelle. C’est socialement, politiquement, qu’il faut penser la question.

Le concept pur de « liberté » continue de séduire beaucoup d’anarchistes. Pour nous, il ne veut rien dire s’il est pris tout seul. Il n’y a de liberté que reliée à d’autres valeurs : la dignité, l’égalité et la solidarité.