Le désir et la putain. Les enjeux cachés de la sexualité masculine

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Pour écrire Le désir et la putain, les enjeux cachés de la sexualité masculine, Antonio Fischetti, journaliste scientifique à Charlie Hebdo, et Elsa Cayat, psychanalyste, se sont distribué les rôles.

À lui de livrer son expérience d’homme fasciné par les prostituées, ses remarques, et d’interroger. À elle de répondre aux questionnements et d’analyser.

Mais très vite, les auteurs se détachent de la thématique annoncée dans le titre racoleur pour s’en tenir au sous-titre et élargir la problématique à la sexualité masculine en général, avec des chapitres tels que Pourquoi le sexe est-t-il important ?, Pourquoi met-on des sentiments dans le sexe?, ou encore À quoi sert la pénétration?.

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Plus que la prostitution envisagée côté « client », c’est principalement la relation à l’autre qui est décortiquée sous un angle psychanalytique. La conclusion? Lorsqu’un homme s’engage, il met en jeu des sentiments. L’autre devient ainsi « révélateur » mais aussi « témoin » de ce qu’il est, qu’il l’assume ou non. Or, en allant voir une prostituée, le « client » sait qu’il ne sera ni jugé, ni appelé à s’interroger sur son identité et encore moins à en intégrer le sens : l’acte vient à la place de la question. Seule solution : la psychanalyse. Finalement, ce qui s’annonçait comme un échange enrichissant ne s’avère malheureusement être qu’une succession de monologues abscons, répétitifs et aux transitions artificielles.

Rien n’est épargné au lecteur. Ni le renvoi systématique de toute situation à une tentative d’explication psychanalytique : La relation sexuelle est fondée sur l’argent : est-ce une sorte de substitut du cadeau excrémentiel à la mère ?, ni les raccourcis incessants et assertions sans fondement : Bon nombre de femmes se font […] systématiquement inviter par les hommes au restaurant : elles n’ont pas conscience de se positionner dans un état de soumission bien plus prononcé que celui d’une prostituée qui, en dehors de ses heures de travail, mettrait un point d’honneur à partager les additions, ni les erreurs de jugement : à travers la prostitution, ce qui effraie les abolitionnistes et les ligues de vertu, c’est surtout la séparation du sexe et de l’affect, ni même les élucubrations : On tente d’atteindre le mystère de la femme en s’unissant à elle par les sensations physiques. Comme lorsqu’on savoure longuement une pomme, qu’on s’imprègne de sa douceur ou de son acidité et qu’on finit par se sentir pomme à son tour !

Au bord du supplice et sur le point de refermer l’ouvrage avec soulagement, le lecteur tombe pourtant sur cette réflexion d’Elsa Cayat : la croyance qu’avoir et pouvoir peuvent régler la question de l’être submerge à présent toutes les strates de la société. Ce fait est tellement ancré que le capitalisme s’est normalisé au point qu’on peut croire que l’économie régit les relations humaines afin de faire écran à l’énorme complexité des enjeux qui la spécifient.

Dommage qu’il ait fallu subir 260 pages avant de parvenir à une remarque pertinente.