Angleterre : des syndicalistes entrent en lutte contre la prostitution

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La commission Femmes d’un des plus importants syndicats anglais, Unison, réunie pour sa Conférence 2010 le 20 février, a voté à une très grande majorité une motion demandant l’alignement de l’Angleterre sur le « modèle nordique » : décriminalisation des personnes prostituées, pénalisation des « clients » prostiteurs.

Unison, qui revendique un million et demi d’adhérent-e-s travaillant dans l’ensemble des services publics (éducation, transports, santé…) – dont plus de la moitié sont des femmes – est réputé pour atteindre la parité dans toutes ses structures de décision. Sa commission Femmes travaille sur les questions de l’égalité des salaires et des formations, et lutte plus largement contre les violences faites aux femmes.

Les conséquences sociales dramatiques de la crise économique, une politique gouvernementale qui commence à questionner la responsabilité des prostitueurs, et la perspective des Jeux Olympiques de Londres en 2012 – la police anglaise signale d’ores et déjà une augmentation des cas de trafics de femmes pour la prostitution dans les environs des « villages olympiques » – ont mis le système prostitutionnel en bonne place dans les préoccupations des déléguées, réunies à l’occasion de la Conférence Femmes 2010 d’Unison, qui s’est tenue du 18 au 20 février.

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La porte-parole nationale de la commission Femmes, Cath Elliot, a démontré que la décriminalisation de l’industrie du sexe – y compris des proxénètes – à la manière des États réglementaristes, au prétexte de faire de la prostitution un « métier comme un autre », ne protège en rien les femmes de la violence. En réalité, a t-elle argué en s’appuyant sur de nombreuses études internationales, les personnes prostituées du fait de leur activité, endurent quotidiennement des sévices physiques et psychologiques comparables, à terme, à une véritable torture.

Selon la Conférence, une politique juste et efficace doit plutôt s’inspirer du modèle nordique : criminalisation des proxénètes et des prostitueurs, impunité totale pour les personnes prostituées, qui, comme toutes les victimes de violence, doivent bénéficier d’un soutien pour se libérer de la situation qu’elles subissent.

À ce titre, la récente décision du gouvernement anglais, visant à criminaliser les prostitueurs, va dans le bon sens mais reste insuffisante, pointent les déléguées : il faut impérativement financer et développer les structures de refuge et d’accompagnement dédiées aux femmes victimes de violences, afin de permettre aux personnes prostituées d’y trouver un abri, de s’y restaurer, le temps d’acquérir des compétences professionnelles ou développer leur confiance en elles.

La perspective des Jeux Olympiques de 2012 à Londres rend plus urgente encore la nécessité de lutter contre le système prostitutionnel. Pour Dave Prentis, le Secrétaire général d’Unison, il est d’usage que la demande de prostitution et les trafics soient augmentés lors d’événements sportifs majeurs, à cause de la présence sur place d’un nombre énorme de travailleurs, de participants, de touristes et d’athlètes.

La prostitution n’est pas un sport, martèle Dave Prentis, c’est une exploitation sexuelle, une violation des droits humains et une triste démonstration de la permanence de l’inégalité des femmes. Prétendre que ces femmes ont choisi la prostitution est un déni de la réalité. L’âge moyen d’entrée dans la prostitution est de 13 ans et la grande majorité d’entre elles sont victimes de trafics ou poussées dans la prostitution par la pauvreté, les toxicomanies, différentes circonstances de la vie qui échappent à leur contrôle.

Le syndicat appelle à se battre pour le maintien et le financement des services d’aide aux victimes de violences, hélas menacés d’une réduction des crédits dans un contexte de restriction budgétaire, et appelle au contraire les pouvoirs publics à mener une action puissante et coordonnée entre tous les organismes concernés.

Les femmes ont besoin de soutien pour se créer une vie hors de la prostitution, tandis que les proxénètes, les traficants et les hommes qui achètent leurs services devraient recevoir les sanctions qui leur feraient comprendre que l’esclavage sexuel n’a pas sa place dans notre société d’aujourd’hui, a conclu le Secrétaire général. Tarir la demande, selon Jenny Eaton, déléguée syndicale à la Conférence Femmes et elle-même survivante de la prostitution, c’est l’exigence préalable de toute politique visant à enrayer l’esclavage sexuel : car c’est bien pour satisfaire cette demande que d’innombrables femmes sont broyées quotidiennement par le système prostitutionnel, parfois à en mourir, comme l’a rappelé la Conférence Femmes en rendant hommage aux cinq personnes assassinées par un « client » en 2006 à Edmonton.

Sources :

Unison soutient la campagne Demand Change!

Sex Trafficking Surge During Olympics – UNISON Women Delegates Demand Action, England

Backing for ‘Nordic law’ on prostitution